Absents dans la version initiale des nouveaux programmes, la traite négrière et l’esclavage pourront être traités dès le CM1, après un intense lobbying. «Les gens ont une propension à partir en vrille… A voir des intentions politiques là où il n’y en a pas», soupire Michel Lussault, le président du Conseil supérieur des programmes (CSP). Il prend le temps de répondre, soucieux d’éviter toute nouvelle polémique, alors que se tient en ce moment le Conseil supérieur de l’éducation. Cette instance consultative (qui réunit profs, parents, syndicats, etc.) doit se prononcer ce jeudi sur les nouveaux programmes scolaires du CP à la 3e, prévus pour la rentrée 2016. Des ajustements de dernière minute sont votés. Sont ainsi ajoutés in extremis au programme d’histoire du cycle 3 (CM1-CM2-6e) «la première colonisation [celle des Amériques, ndlr] et le transfert des Africains vers les colonies». Dans la version remise au ministère le 18 septembre, l’enseignement de l’histoire des traites négrières et de l’essor de l’esclavage dans les colonies n’intervenait qu’en classe de quatrième (cycle 4). Un oubli qui marque une «régression», pour Myriam Cottias, présidente du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage (CNMHE). Dans les précédents programmes, les élèves en entendaient parler dès le «cycle des approfondissements» (CE2-CM1-CM2). La présidente du CNMHE, commission consultative interministérielle qui siège au ministère de l’Outre-mer, regrette d’abord de ne pas avoir été associée au travail du Conseil supérieur des programmes. Un «dysfonctionnement» qui s’ajoute à un problème de fond, selon elle : «Cette affaire donne l’impression d’une société française qui a du mal à envisager toutes ses facettes historiques, et notamment à reconnaître son histoire coloniale, affirme Myriam Cottias. C’est ahurissant d’en être encore là, car cela attise les guerres de mémoire et les rivalités.» «C’est une extrapolation», répond Lussault, pour calmer le jeu. «D’ailleurs, dit-il, j’ai moi-même déposé l’amendement mercredi pour inclure cette mention dans les programmes du cycle 3.» Mais pourquoi alors ne pas l’avoir fait dès le départ ? «Il y avait une mention de la deuxième colonisation [celle de l’Afrique et de l’Asie à partir du XIXe siècle, ndlr], nous pensions que cela suffisait. Le comité nous a interpellés, nous avons tenu compte de ce qu’il disait et nous avons jugé qu’il était sans doute nécessaire de rajouter cette phrase.» L’activisme de Myriam Cottias, qui a alerté tous azimuts, n’y est sans doute pas étranger. La première mouture des programmes d’histoire soumise au printemps à la consultation des enseignants avait entraîné un déchaînement de passions d’intellectuels et historiens, plaçant le CSP dans une posture délicate. «On a appris à être prudent, le plus vigilant possible, explique Michel Lussault. Le CSP est pour certains vendus aux gauchistes, pour d’autres à la pensée identitaire… Nous essayons de tracer le cap vers des programmes les plus équilibrés et faisables pour les enseignants.» Il rassure, caustique : «Non, Nadine Morano ne dirige pas le CSP.

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