La tour des Crânes est sans conteste un des sites les plus insolites qu’on puisse trouver en Serbie. Ce monument ottoman est déjà macabre en soi, mais possède une histoire tout aussi macabre. Quand la première révolte serbe éclata en 1804, la Serbie, conquise au milieu du XVe siècle, était depuis près de 350 ans sous le joug de l’Empire ottoman. En 1813, la révolte fut matée, mais il y en eut une seconde en 1815, qui aboutit en 1829 à l’indépendance du pays. La tour des Crânes fut élevée à l’occasion de la première révolte. Elle fut en fait érigée par les Ottomans pour commémorer leur victoire contre les rebelles serbes près de Nis, en mai 1809. Voulant tirer parti de leurs premiers succès et étendre leur territoire, les forces serbes du duc Stevan Sindjelic s’étaient postées dans des tranchées nouvellement creusées où elles attendaient les Ottomans. Mais la stratégie trop défensive des Serbes et les divisions au sein de leur commandement laissèrent aux Ottomans le temps de rassembler leurs troupes, qui finirent par être plus nombreuses que celles de Sindjelic. Voyant que la situation était désespérée, celui-ci fit exploser ses entrepôts de munitions, apparemment en tirant lui-même dessus, tuant en même temps des Ottomans et des Serbes. Après la bataille, le commandant turc, Hurshid Pacha, ordonna de décapiter les Serbes et de créer un monument avec leurs têtes. Composée de 952 crânes, la tour mesurait 3 m de haut. Elle fut couronnée par la tête de Sindjelic lui-même. Au XIXe siècle, les crânes furent peu à peu retirés pour être ensevelis dignement ou conservés à titre de souvenirs morbides. En 1892, quand il n’en resta plus que 50 ou 60, une chapelle fut construite tout autour. Bâtie par une force d’occupation victorieuse afin de servir d’avertissement au peuple serbe, la tour devint le symbole d’une action héroïque, quoique tragique, en faveur de l’indépendance de la Serbie.

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