Très longtemps, le pire danger pour les rorquals communs était d’être harponnés par des chasseurs de baleine. Aujourd’hui, en Méditerranée, ils sont surtout victimes de collisions mortelles avec les cargos. Mais une nouvelle menace, plus insidieuse, pourrait remettre en cause la survie à long terme du deuxième plus grand animal de la planète, derrière sa cousine la baleine bleue. D’après les résultats d’une enquête menée par le WWF sur près de 90 cétacés, sur lesquels ont été effectués des prélèvements de peau et de gras, les rorquals communs, les cachalots et les globicéphales noirs qui vivent en Méditerranée sont contaminés par les phtalates.

Or ces composés chimiques présents dans les matières plastiques ont potentiellement des effets nocifs sur la fertilité, le développement du fœtus et du nouveau-né. Et des bébés rorquals naissent chaque année à proximité des côtes de Provence ou de Corse…

Intense pollution en Méditerranée

Mais pourquoi les cétacés se retrouvent-ils avec des traces de phtalates ? Comment ces substances utilisées pour assouplir les matières plastiques (emballages, revêtements de sol, rideaux de douche, peintures ou vernis) ou incorporées comme fixateurs dans de nombreux produits cosmétiques (vernis à ongles, laques, parfums…) se retrouvent-elles dans la Grande Bleue ?

«Les stations d’épuration laissent passer des résidus de phtalates issus des produits cosmétiques qui partent ensuite à la mer, explique Denis Ody, responsable océans au WWF. Il y a aussi beaucoup de morceaux de plastique qui dérivent dans les rivières et se retrouvent ensuite en Méditerranée où ils se désagrègent en tout petits bouts.» «Près de 269 000 tonnes de déchets plastiques formés de plus de 5 000 milliards de particules flottent sur les océans, ajoute la présidente du WWF, Isabelle Autissier. Notre étude confirme une nouvelle fois l’intensité de cette pollution en Méditerranée, où la densité de microplastiques est parmi les plus élevées au monde.»

Les rorquals plus exposés

L’association estime qu’un million de particules de plastique au kilomètre carré flottent à la surface de la Grande Bleue ! Les échantillons recueillis par l’ONG et analysés par l’université d’Aix-Marseille ont notamment montré la présence du plus toxique des phtalates, le DEHP, «à des niveaux significatifs» dans la chair des cétacés.

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«On avait déjà retrouvé lors d’une précédente étude des traces de PCB, de retardateurs de flamme et de DDT alors que ces produits sont interdits d’usage depuis quarante ans en France, explique Denis Ody. Ces produits chimiques se concentrent malheureusement tout au long de la chaîne alimentaire.» Et les rorquals semblent plus exposés à cette pollution aux phtalates que les cachalots. Sans doute parce qu’ils filtrent de grands volumes d’eau, ingérant du même coup des petits poissons contaminés et des microplastiques en suspension dans la mer.

Un dispositif anti-collision baleine obligatoire le 1er juillet

Entre huit et quarante rorquals communs meurent chaque année en Méditerranée, au large des côtes italiennes, françaises et espagnoles, suite à des collisions avec des bateaux. Une des premières causes de mortalité non naturelle chez les baleines. Et l’on estime même que la moitié des cétacés retrouvés échoués le long de nos côtes avaient au préalable été percutés par un navire.

Pour prévenir les risques de collision, le WWF a appelé les compagnies maritimes à s’équiper d’un dispositif anti-collision. Ce système de navigation permet de partager en temps réel la position des grands cétacés repérés par les équipages. Une sorte de «coyotte» des mers en quelque sorte.

L’association a été entendue et ce dispositif deviendra obligatoire à partir du 1er juillet sur les navires de plus de 24 m battant pavillon tricolore. 60 à 80 bateaux français sont concernés, notamment deux compagnies maritimes transportant des passagers, la Méridionale et Corsica Linea (ancienne SNCM). Quant à la compagnie Corsica Ferries, elle a décidé elle aussi de rejoindre le mouvement. «Cette société française, dont les navires battent pavillon italien et ne sont donc pas soumis à l’obligation légale, a annoncé qu’elle allait équiper quatre de ses navires de façon volontaire», se réjouit le WWF.

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