Le scénario post-capitaliste réinscrit les entrepreneurs de l’économie solidaire comme des précurseurs de modes de production et de consommation alternatifs à la globalisation néo-libérale. L’objectif visé est d’instituer « une collaboration solidaire internationale » à travers des réseaux de production, de distribution et de consommation entre des initiatives économiques de la société civile qui ne sont aujourd’hui solidaires que sur un bout de la chaîne économique. « En articulant la consommation solidaire à la production, la commercialisation et les finances, l’économie solidaire amplifie les possibilités d’échanges commerciaux de chaque agent, sans éloigner l’activité économique de son but primordial, qui est de répondre aux besoins de base de la société ». Le fonctionnement en réseaux serait au fondement de circuits solidaires à même de se substituer à terme à la compétition marchande et à l’accumulation capitaliste tout en reliant le local au global. L’utopie est donc que l’articulation en réseau d’un nombre croissant de consommateurs, d’entreprises et de secteurs de l’économie solidaire crée, à un moment donné, un point de rupture à même de déboucher sur une société post-capitaliste. Il ne s’agit plus ici de contenir le marché dans le cadre d’une économie plurielle à la tonalité par trop libérale, mais bien de le remplacer par d’autres formes d’échanges fondés sur la coopération et la solidarité. Ce scénario trouve sa formulation la plus forte en Amérique du Sud, notamment chez des auteurs comme Arruda, Corragio, Mance. D’une certaine manière, on pourrait y voir la volonté d’articuler et de généraliser les expériences sudaméricaines des coopératives autogestionnaires, du budget participatif, des réseaux d’échanges et de consommations solidaires (systèmes de troc, monnaies sociales) pour construire un système socio-économique alternatif. L’économie solidaire y est perçue comme une économie du travail démocratisée par opposition à l’économie du capital. En filigrane, ce scénario renoue avec le projet politique de l’associationnisme et des socialistes utopistes du XIXe siècle (Owen, Leroux, Proudhon, etc.) qui a précédé l’institutionnalisation et la normalisation des entreprises sociales.

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